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22/06/2007
Salomé, tête coupée
L'âpre hiver freine l'onde : on marche sur le fleuve,
Route fallacieuse où la princesse avance;
Mais le pont se dérobe et l'abîme tremble
Une tête accrochée à l'arête coupante.
L'eau dans sa course entraîne un corps décapité,
Laissant le chef coupé sur la dalle de givre.
A l'agile danseuse étoile des banquets
Le fleuve pour linceul ouvre ses eaux agiles.
II
Sur la glace, au-dessus des ondes tournoyantes,
La fille d'Hérodiade hasarde un pied agile :
Mais la glace se brise et, sa tête tranchée
Dessus l'arête vive, le corps dans l'eau dérive.
La Terre s'est moquée de ce linceul liquide :
Disant : " Poids si léger convient à l'eau fluide!"
III
Sous l'emprise du gel le fleuve est immobile;
Dessous, à flots pressés, tourbillonent les eaux.
La nymphe a mis ses pas sur la glace fragile
Qui cède sous le poids de ce corps juvénile.
Comme par une épée la tête est détachée
Du corps, que l'onde entraîne et retourne et malmène.
Du crime au châtiment quelle étrange harmonie,
Où décollation et danse sont unies.
IV
Que fait donc Salomé sous le fleuve ? elle danse,
O prodige! elle oscille au gré des eaux mouvantes.
Le son d'une musique encor rythme ses gestes :
Du sein des eaux s'élève une mélodié sourde.
Après avoir dansé pour la cour et son père,
Elle danse aujourd'hui pour les peuples des eaux.
Et si la danse avait une place en enfer,
Les mânes engourdis la verraient tournoyer [...]
VIII
La princesse, en foulant la surface gelée,
Voit la glace se fendre et glisse dans l'eau noire
Qui engloutit son corps en laissant sur la place
Une tête coupée, que sa mère recueille :
Adultère, reçois les restes de ta fille,
Restes ensanglantés de ton propre supplice.
Le flot impétueux châtie l'impur désir,
L'adutltère est puni par le froid de la glace.
Vos deux cœurs ont brûlé d'une flamme coupable
Que l'âpre gel a seul pouvoir de purifier.
(Manoel Pimenta, traduit par Pierre Laurens, trouvé par Paul)
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