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14/04/2005

« Ici, elle était vraiment fille »

medium_imageg2p.jpg Tentant de passer outre les échos zolesques fort compréhensibles (après tout, les deux écrivains furent longtemps amis et le décadent en devenir Huysmans était originellement un presque disciple du trop célèbre réaliste) de cette petite phrase postée hier dans ce carnet, je me demande pourquoi l'image de la danseuse Salomé fut sans cesse remplacée au dix-neuvième siècle par celle de la catin. Il est fort probable que la scène de la danse des sept voiles soit un ajout tardif au texte biblique qui permit des gloses rendant coquetterie, artifice et jeux sensuels féminins de voiles responsables de la décollation d'un saint homme. Mais jamais on n'écrivit alors que Salomé était autre chose qu'une danseuse séductrice, qu'une charmeuse voilée, et il est difficile d'imaginer que la propre fille d'Hérodias (c'est-à-dire selon le texte à la fois la femme et la belle-sœur d'Hérode) ait été de celles faisant commerce de leurs charmes.

Mais pour que Salomé soit fatale, il faut qu'elle fasse plus que de demander la tête du prophète, et que dans la séduction de sa chorégraphie se mêlent le souffle sautillant et vivant d'Eros à l'ombre terrifiante et assassine de Thanatos. Prostituée parce que dangereuse, tentatrice, refusant d'offrir, de donner mais arrachant aux hommes sperme et argent, sans que de cet échange ne demeure aucune trace tangible ou visible. Putain parfaite celle qui, comme Salomé, va jusqu'à faire de la vie de l'homme le prix de l'acte charnel. Non pas la bourse ou la vie, mais la vie pour payer un baiser, qui sera post-mortem. Et lorsque qu'elle posera ultimement sa bouche sur des lèvres mortes, pulsions de vie et pulsions de mort s'accorderont enfin, et c'est pourquoi il ne peut y avoir de plus beau baiser que ce baiser mythique, qui sans doute jamais ne fut.